Trois experts portent leur regard sur des candidatures laissées sur des CVthèques. En analysant leurs forces et faiblesses, ils rappellent les règles élémentaires à suivre pour bien rédiger son curriculum vitae.
• CV n°1
Sylvie Chauvin, directrice des ressources humaines chez Adenclassifieds (1) :
«Une belle réussite»
«Ce CV est à la fois très structuré et original. C'est une belle réussite. La 3e colonne qui comporte références et résultats m'a intéressée. J'apprécie que cette personne assume son congé parental d'autant qu'elle en a profité pour suivre une formation. Même une année sabbatique à l'étranger peut être valorisante. Un regret : que sa pratique courante de l'anglais et de l'allemand ne soit pas suffisamment mise en valeur. Le CV pourrait par exemple être titré ‘chef de publicité trilingue'».
Eric Hauptmann, directeur du cabinet de recrutement Solution RH :
«Fait-elle de la prospection ?»
« Les informations essentielles sont présentes. Je regrette que l'on ne trouve pas de chiffres pour les expériences récentes. A la lecture de ce CV, je me pose une question : cette personne gère-t-elle un portefeuille de clients établi ou fait-elle de la prospection pour aller en chercher de nouveaux ? Le mot-clé ‘commercial' n'apparaît pas distinctement et c'est un peu dommage ».
• CV n°2
Dominique Galet, directeur du cabinet de recrutement Michael Page :
«Un CV thématique»
«C'est un CV thématique organisé autour des compétences. Ce qui me gêne, c'est qu'on ne sait pas quand elles ont été exercées et pour quelle durée. De même, pour chaque item, on a du mal à cerner le positionnement du candidat : a-t-il seulement participé à chaque mission ou en a-t-il assumé la pleine maîtrise ? En revanche, j'apprécie que les renseignements essentiels de l'entreprise soient données (chiffre d'affaires, nombre de salariés et de sites)».
Sylvie Chauvin :
«Classique mais rassurant»
« J'attends d'un responsable paie qu'il fasse preuve de rigueur et cela émane de ce CV très classique. Il en ressort aussi une certaine modestie : ce candidat a su évoluer patiemment de la comptabilité vers les relations sociales. Cette personne a bien fait de spécifier les logiciels qu'elle maîtrise. Ses loisirs, en revanche, n'apportent pas une plus-value. Enfin, il n'est pas nécessaire de préciser que cette femme soit mariée et ait un enfant car elle s'expose à des questions sur une prochaine maternité ».
Eric Hauptmann également auteur du livre «Le guide du candidat recruté» :
«Manque de confiance en elle»
« Je préfère un CV qui se tient sur une page car il se lit plus facilement à l'écran. Les marges sont rognées aussi le fichier pourrait mal sortir à l'impression. Ce document, trop détaillé, comporte trop de rédactionnel. En le parcourant, je ne vais pas à l'essentiel. J'imagine que la personne a le souci du détail, manque d'esprit de synthèse voire de confiance en elle ».
• CV n°3
Sylvie Chauvin :
«Je lui conseille de faire deux CV»
« Nous avons ici affaire à un autodidacte qui a habilement choisi de mettre en avant ses vingt-deux ans d'expérience afin de se positionner sur un poste senior. En revanche, après dix-huit ans dans la même société, ce n'est pas facile de rebondir. Je note toutefois qu'il a évolué, manageant cinq personnes en 1994/1996 et 38 aujourd'hui. Je ne trouve pas pertinent ses qualificatifs ‘détermination et diplomatie', qui auraient plus leur place dans une lettre de motivation. J'aurais préféré trouver des indicateurs de performance. Son anglais scolaire et sa maîtrise de logiciels courants n'apportent rien à sa candidature. Au final, je lui conseille de réaliser deux CV, l'un pour viser les postes de managers, l'autre pour le suivi des grands comptes ».
Dominique Galet :
«Ce CV manque de chiffres»
« En dessous du titre, j'apprécie les trois lignes qui résument les trois axes de sa compétence : nombre d'années d'expérience et ses deux spécialités. Cet homme est resté dix-huit ans dans la même entreprise, ce qui témoigne d'une certaine fidélité. Quelques informations font défaut, comme le profil des 38 personnes qu'il a managées : s'agit-il d'ouvriers, de techniciens ou de cadres ? De la même façon, on n'apprend pas grand-chose sur les formations que ce candidat a suivies. Il manque aussi des chiffres, comme la progression du chiffre d'affaires ou la taille des ‘petits et moyens clients' de sa 2e expérience. Enfin le chevauchement des dates me posent question. Ce monsieur a semble-t-il exercé deux fonctions entre 1999 et 2000. C'est possible, mais c'est attirer l'attention du recruteur sur un point qui ne le mérite pas ».
• CV n°4
Dominique Galet :
«Ce devrait être un mini-book»
« C'est un document caractéristique des gens qui évoluent dans le milieu artistique. Bien sûr les petites fleurs ne conviendraient pas pour un comptable ou un juriste. Pour un graphiste, ce document est le début d'un exercice et je ne trouve pas qu'il soit particulièrement réussi. C'est aussi un mini-book et il est indispensable d'avoir quelques liens de sites réalisés. Le CV devrait renvoyer vers un site personnel où sont présentées des créations ».
Eric Hauptmann créateur de Coach en Recrutement : coaching personnalisés en recherche d'emploi :
«Il se dégage une instabilité»
« C'est un CV très graphique, féminin par le choix des couleurs, bien exécuté. Mais il manque des informations sur les sociétés dans lesquelles elle a travaillées (taille, activités…). Son expérience la plus longue est peu développée. Il se dégage de cette candidature une forme d'instabilité de par ses dix expériences menées en dix ans. On ne sait pas toujours pour chacune d'elles si cette personne était stagiaire ou employée et selon quel statut. Elle a été salariée et free lance en même temps. Aucune priorité n'est donnée entre ces deux orientations qui peuvent inquiéter : si je la recrute, aura-t-elle la tête ailleurs ? Enfin plutôt que son âge, j'aurais préféré connaître sa date de naissance, car ce CV a très bien pu être rédigé il y a un an ».
• CV n°5
Sylvie Chauvin :
«Fait preuve d'honnêteté»
« J'aime beaucoup ce CV qui allie le fond et la forme. Ce format paysage permet d'aérer le document. Le candidat fait preuve d'honnêteté en précisant qu'il a le ‘niveau licence de chimie', sans avoir vraisemblablement obtenu ce diplôme. De la même façon, il note ses compétences dans la maîtrise d'outils informatiques sur la colonne de droite. Cette démarche d'auto-évaluation est intéressante. Un regret ? Que sa première expérience soit aussi peu développée ».
Eric Hauptmann :
«Développer davantage sa formation»
« Ce format qui se lit très bien à l'écran témoigne d'un sens de l'ergonomie qui n'est pas dénué de sens pour un webmaster. J'aime la partie compétences de ce CV où l'on découvre l'environnement technique du candidat. Pour le reste, il manque des informations sur son implication concrète dans chacune de ses missions. Je me pose des questions : comment a-t-il pu réaliser un Deug en quatre ans ? A-t-il réalisé son service militaire à mi-parcours ? Dans la mesure où il a opéré une reconversion après des études de biologie et de chimie, il aurait dû développer un peu plus sa formation »
Dominique Galet :
«Attention aux tableaux»
« Je n'aime pas trop ce format qui change avec mes habitudes de lecture. Heureusement, ici la personne n'abuse pas des colonnes. Attention : je déconseille formellement aux personnes de réaliser leur CV à partir d'un tableau. Car certains logiciels de tri ne peuvent entrer dans un tableau ou dans des objets créés par ailleurs ».
• CV n°6
Eric Hauptmann :
«Le contre-exemple»
« C'est une catastrophe, l'exemple de ne ce qu'il ne faut pas faire. D'abord ce CV, avec 2 Mo, est beaucoup trop lourd : il risque d'être bloqué par les filtres anti-Spam. Ensuite pourquoi mettre en avant sa formation alors que la personne a presque dix ans d'expérience ? C'est un CV de jeune diplômé. Il y a une incohérence de dates puisque cette personne semble avoir occupé deux emplois entre février et juillet 2005. Je m'étonne que son activité principale (5 ans) tienne autant de place que celle de deux mois d'assistante d'agence. Attention à la catégorie ‘autres expériences' qui attire l'œil du recruteur. Elles sont ici trop courtes pour être dignes d'intérêt ».
Sylvie Chauvin :
«Beaucoup de problèmes»
« Ce CV me pose beaucoup de problèmes. Je ne comprends pas le code couleurs. Le vide qui apparaît en tête de page me saute aux yeux. Ses autres expériences mentionnées en bas n'ont de sens que si elles apportent une valeur ajoutée. Cela ne paraît pas évident pour son emploi dans une boulangerie alors qu'elle prétend à un poste de marketing. Les supprimer permettrait de gagner de la place pour détailler son expérience principale. Enfin toutes ses corrections apparaissent visibles sous forme d'encadrés : maîtrise-t-elle véritablement Word comme elle l'affirme ? ».
Fabien FOURNIER - LeFigaro.fr - 29/09/2009
(1) filiale du groupe Figaro.
Article source : http://www.lefigaro.fr/emploi-formation/2009/09/15/09004-20090915ARTFIG00537-six-cv-passes-au-crible-.php